La pandémie de COVID 19 menace une urgence éducative mondiale. Selon nos connaissances actuelles, près de 10 millions d'enfants pourraient être définitivement exclus de l'éducation d'ici la fin de l'année.

Écoutez notre interview sur le rapport avec l'émission "Tout un monde" de la RTS

Les importantes coupes budgétaires dans le domaine de l’éducation et l’augmentation de la pauvreté générées par la pandémie du COVID-19 pourraient contraindre au moins 9,7 millions d’enfants à renoncer définitivement à leurs études d’ici la fin de cette année, tandis que des millions d’autres accumuleront du retard dans leurs apprentissages, selon un nouveau rapport publié aujourd’hui par Save the Children, qui tire la sonnette d’alarme.

Les filles seront probablement bien plus touchées que les garçons, poussées de force vers un mariage précoce pour beaucoup d’entre elles. À l’heure où les familles commencent à ressentir les effets de la récession engendrée par le COVID-19, de nombreux enfants pourraient être déscolarisés de force et contraints de travailler.

Dans son rapport, Save the Children appelle les gouvernements et les bailleurs de fonds à répondre à cette situation d’urgence mondiale que connaît l’éducation, en investissant immédiatement dans ce domaine alors que les écoles rouvrent progressivement leurs portes après plusieurs mois de confinement.

L’organisation exhorte également les créanciers commerciaux à suspendre les remboursements des dettes des pays à faible revenu, ce qui pourrait libérer 14 milliards de dollars à investir dans l’éducation.

« Il serait inadmissible de permettre que des ressources si désespérément nécessaires pour maintenir l’espoir qui va de pair avec l’éducation soient détournées au profit de remboursement de dettes », déclare Inger Ashing, directrice de Save the Children. L’organisation appelle les gouvernements à utiliser leurs budgets de façon à garantir aux enfants un accès à l’enseignement à distance tant que les mesures de confinement perdureront et à apporter de l’aide aux enfants qui ont pris du retard.

Le rapport intitulé Sauver notre éducation révèle les effets dévastateurs que l’épidémie de COVID-19 va avoir sur l’apprentissage. Selon un scénario budgétaire intermédiaire, l’organisation estime que la récession amputera de 77 milliards de dollars les dépenses consacrées à l’éducation dans certains des pays les plus pauvres au monde au cours des 18 prochains mois. Dans le pire des scénarios, celui dans lequel les gouvernements dépenseraient les fonds destinés à l’éducation dans d’autres domaines de réponse au COVID-19, ce chiffre pourrait atteindre le niveau effarant de 192 milliards de dollars d’ici fin 2021.

Les restrictions budgétaires imminentes interviennent à la suite de mesures de confinement qui ont entraîné un pic de déscolarisation, avec 1,6 milliard d’enfants concernés à travers le monde.

Environ dix millions d’enfants pourraient ne jamais retourner à l’école. Il s’agit d’une situation d’urgence sans précédent pour l’éducation et les gouvernements doivent investir immédiatement dans l’apprentissage. Au lieu de quoi, nous faisons face à un risque de coupes budgétaires inédites qui feront exploser les inégalités entre les riches et les pauvres, ainsi qu’entre les garçons et les filles. Nous savons que les enfants les plus pauvres et les plus marginalisés, qui accusaient déjà le plus de retard, sont ceux qui ont le plus perdu, n’ayant aucun accès à l’enseignement à distance (ni à aucune sorte d’éducation) pendant la moitié d’une année scolaire.

Inger Ashing directrice de Save the Children

Avant l’épidémie, on comptait déjà 258 millions d’enfants et d’adolescents déscolarisés. Un indice de vulnérabilité inclus dans le rapport montre que dans 12 pays, principalement en Afrique centrale et de l’Ouest mais incluant aussi le Yémen et l’Afghanistan, les enfants courent un risque très élevé de ne pas retourner à l’école lors du déconfinement, notamment les filles.

Dans 28 autres pays, les enfants courent un risque modéré ou élevé de ne pas retourner à l’école et de pâtir des effets à long terme des inégalités grandissantes. Au total, Save the Children estime que quelque 9,7 millions d’enfants pourraient être contraints d’abandonner leurs études d’ici la fin de cette année.

On compte à l’heure actuelle plus d’un milliard d’enfants déscolarisés en raison de la pandémie mondiale.

Il y a trois mois, tout allait très bien pour moi. J’étais en classe de 6e et cela me plaisait. Au collège, on jouait avec nos amis et on apprenait. Le collège nous fournissait également un repas par jour. Aujourd’hui, à cause de ce virus, je ne peux pas aller au collège ni voir mes amis. Tout cela me manque terriblement. Cela fait presque trois mois que les écoles sont fermées et comme beaucoup d’enfants ici, je passe la plupart de mon temps à veiller sur le bétail et j’aide parfois ma mère dans les tâches ménagères, comme le ménage et la cuisine.

Aisha*, 15 ans originaire d’Éthiopie, fait partie de ces enfants

Parmi les 12 pays qui figurent en tête de l’indice du rapport, beaucoup enregistrent déjà des taux de déscolarisation élevés et un énorme fossé entre riches/pauvres et garçons/filles en matière de fréquentation des écoles. Ces facteurs seront probablement exacerbés par la fermeture des établissements scolaires et ce sont les filles et les enfants issus des familles frappées par la pauvreté qui seront les plus durement touchés.

Dans ces pays, les enfants sont également pris dans un cercle vicieux de risques : ils sont plus susceptibles d’être contraints de travailler et les adolescentes sont particulièrement exposées aux violences sexistes, au mariage des enfants et aux grossesses précoces, des risques qui augmentent en même temps que la durée de leur déscolarisation. Ces mêmes risques ont des conséquences directes sur leur capacité même à reprendre leurs études. Associée à la réduction drastique des dépenses consacrées à l’éducation, l’épidémie de COVID-19 pourrait porter un coup cruel à des millions d’enfants.

Dans de nombreux pays, Save the Children a fourni des supports d’enseignement à distance, comme des livres et des kits d’apprentissage à domicile, pour aider les élèves durant le confinement, collaborant étroitement avec les gouvernements et les enseignants pour dispenser des leçons et des soutiens par le biais de la radio, de la télévision, du téléphone, des réseaux sociaux et des applications de messagerie.

En dépit des efforts faits par les gouvernements et les organisations, quelque 500 millions d’enfants n’ont pas eu accès à l’enseignement à distance et bon nombre des enfants parmi les plus pauvres n’ont sans doute pas de parents instruits, capables de les aider. Après avoir perdu plusieurs mois d’apprentissage, de nombreux enfants auront du mal à rattraper leur retard, ce qui augmente le risque de déscolarisation.

Comme l’explique Save the Children, pour de nombreux enfants, la fermeture des écoles ne se résume pas à une perte d’enseignement : cela les a privés d’un endroit sûr où ils pouvaient jouer avec leurs amis, prendre un repas et accéder à des services de santé, y compris à un soutien psychologique. Les enseignants sont souvent les premiers à réagir et à protéger les enfants susceptibles de subir des maltraitances chez eux. Avec la fermeture des écoles, ces protections disparaissent.

Si nous laissons cette crise de l’éducation se développer, cela aura des conséquences à long terme sur l’avenir des enfants. La promesse qu’a faite le monde de veiller à ce que tous les enfants aient accès à un enseignement de qualité d’ici 2030 sera retardée de plusieurs années. Les gouvernements devraient faire passer les intérêts des enfants avant les demandes des créanciers. Qu’ils vivent dans un camp de réfugiés en Syrie, dans une zone de conflit au Yémen, dans une zone urbaine surpeuplée ou dans un village rural reculé, tous les enfants ont le droit d’apprendre, de se développer et de bâtir un avenir meilleur que celui que leurs parents auraient pu avoir. L’éducation en est le socle et nous ne pouvons pas laisser le COVID-19 se mettre en travers de leur chemin.

Inger Ashing directrice de Save the Children

Save the Children exhorte les gouvernements et les bailleurs de fonds à faire en sorte que les enfants déscolarisés aient accès à l’enseignement à distance et à des services de protection. Ceux qui reprennent le chemin de l’école doivent pouvoir le faire en toute sécurité et de manière inclusive, en ayant accès à des repas et à des services de santé au sein des établissements. Les évaluations des apprentissages et les cours de rattrapage doivent être adaptés pour permettre aux enfants de compenser leurs pertes.

Pour faire en sorte que cela se produise, Save the Children appelle à consacrer davantage de fonds à l’éducation, et 35 milliards de dollars seront apportés par la Banque mondiale. Les gouvernements nationaux doivent faire de l’éducation une priorité, en produisant et en mettant en œuvre des réponses dans ce domaine face au COVID-19, ainsi que des plans de redressement pour faire en sorte que les enfants les plus marginalisés puissent continuer à apprendre.

Nous demandons:
Icon Geldsack

que la Banque mondiale alloue 35 milliards de dollars aux dépenses d'éducation.

Icon Bildung

que les gouvernements fassent de l'éducation une priorité et veillent à ce que les enfants les plus défavorisés ne soient pas laissés pour compte.

Icon Dialog

que les créanciers accordent aux pays les plus pauvres un report de paiement. Cela pourrait libérer 14 milliards de dollars pour l'investissement dans l'éducation.

Icon Lupe

Veiller à ce que les enfants aient accès à l'apprentissage numérique et à la protection pendant la fermeture de l'école Le retour à l'école doit être sûr et inclusif, il doit y avoir un accès aux repas scolaires et aux services de santé, et les enfants doivent avoir la possibilité de rattraper les travaux scolaires manqués.

Comment nous aidons les enfants pendant la pandémie de Covid 19:

Guatemala : distribution de "boîtes à lunch"- Save the Children a travaillé avec les autorités pour s'assurer que ces importants repas de midi se poursuivent pendant la fermeture des écoles. Avec l'aide des associations de parents d'élèves, des rations pour 15 jours sont distribuées dans 300 écoles. Nous avons préparé la distribution des aliments et le personnel a reçu une formation sur la manipulation sûre des aliments et les protocoles spécifiques de prévention de la corona.

Kosovo : enseignement à distance pour les enfants handicapés - Save the Children a fourni des kits d'éducation et d'hygiène à 100 enfants handicapés dans 20 écoles primaires de sept municipalités du Kosovo. Les paquets sont équipés de jouets, de matériel pédagogique et de puzzles. Ces modules continueront à soutenir les enfants qui n'ont plus accès à l'école et à aider à mettre en œuvre les activités de la nouvelle plateforme d'apprentissage à distance inclusive.

Zambie et Liberia : distribution de nourriture dans les écoles fermées - Save the Children travaille avec le gouvernement zambien pour adapter les programmes d'alimentation scolaire existants, qui sont utilisés pendant les sécheresses et distribuent des rations alimentaires aux ménages. Des instructions ont été élaborées pour gérer la distribution des denrées alimentaires afin de garantir la distance physique et la sécurité de la distribution, des installations pour le lavage des mains et des équipements de protection individuelle étant fournis aux distributeurs de denrées alimentaires. 214 écoles accueillant 41 000 enfants reçoivent des rations alimentaires quotidiennes. Au Libéria, nous avons distribué de la nourriture à 47 620 ménages ayant des enfants en école primaire dans quatre districts après la fermeture des écoles à la mi-mars 2020.

Ouganda : soutenir les jeunes enfants par la radio - Nous avons produit une série radiophonique intitulée "Ready to Learn" avec un apprentissage ludique et des activités de lecture et de comptage de base pour les enfants de trois à six ans, à faire avec leurs parents ou les personnes qui s'occupent d'eux. La série sera traduite pour être utilisée dans les zones rurales et les camps de réfugiés et comprendra des chansons et des messages pour informer les jeunes enfants sur la pandémie de Corona. Les programmes radio sont enregistrés avec les enfants eux-mêmes pour encourager les autres à participer.

Philippines : soutien aux mesures d'hygiène - Aux Philippines, Save the Children soutient la réouverture des écoles en fournissant des installations pour le lavage des mains, des consommables d'hygiène, des kits de nettoyage et de désinfection et du matériel d'information, d'éducation et de communication. Les enfants jouent un rôle actif dans la promotion et la surveillance des comportements sûrs. Nous fournissons des fournitures similaires pour les écoles en Chine et au Vietnam.

Cinq façons créatives de dispenser l’éducation: